La planche en comporte pas de texte. Un groupe de chasseur est surpris par un ours qui mange leur repas. Cet ours est un homme déguisé.

Cette pièce, qui figure dans une vente aux enchères consacrés à des peintres et illustrateurs de la fin du XIXe et début du XXe siècle, est un rare exemple d'une image d'Epinal de la main de Théophile Alexandre Steinlen. Elle a été dessinée, vraisemblablement dans les années 1880, pour la maison Quantin, sise à Paris et qui s'était spécialisée dans la production d'imagerie populaire, et en particulier d'images d'Epinal, avec pour ambition de donner un caractère artistique à cette production qui, longtemps n'avait pas brillé par son innovation et ses qualités esthétiques. Faisant appel aux grands dessinateurs de l'époque (Caran d'Ache, Rabier, Christophe, de la Nézière, Job…) mais aussi à des peintres alors connus (Le Mouël, Alexis Vallet, Lacaille, etc.), Quantin a produit à la fin du XIXe siècle des dizaines de feuilles qualifiées " d'imagerie artistique ", qui frappaient par la diversité des approches graphiques, l'humour et la légèreté de certaines saynètes, et une inventivité dans le découpage. De ce dernier point de vue, certaines de ces pièces sont d'indiscutables précurseurs de certaines bandes dessinées des premières années du XXe siècle, et même au delà. On sait ainsi que la page d'Hermann Vogel intitulée " L'Arroseur " (dont le Musée possède l'original et les mises en couleur) a inspiré les frères Lumière pour leur célèbre film " L'Arroseur arrosé " et que la feuille " Un projet téméraire " de Rip (également présent dans la collection du Musée) est d'une similitude troublante avec l'une des plus célèbres pages de la série Little Nemo que le dessinateur américain dessina à partir de 1905.
Pour ce qui est de la page de Steinlen, l'un des plus importants dessinateurs de la fin XIXe et début du XXe siècle français, dont les dessins de chats sont bien connus et encore reproduits, elle témoigne de la sûreté et de l'élégance de son trait, et d'une parfaite maîtrise du dessin narratif. On sait que Steinlen appréciait les séquences narratives (ses contributions à la revue du cabaret " Le Chat Noir " sont bien connues). On en trouve ici un exemple remarquable.
La planche n'est pas identifiée comme telle dans la notice mais il s'agit bien de la planche n° 4 de la série 4 intitulée " L'ours " (1887).