Cette "Mise au tombeau" est entrée dans les collections nationales en 1945 comme une oeuvre italienne anonyme du XVIIe siècle. Porté par Joseph d'Arimathie à sa droite, par Nicodème à sa gauche, et par un ange, le corps du Christ est représenté dans un savant raccourci. Sa blancheur marmoréenne contraste avec les coloris acidulés des autres figures. Sur la gauche apparaît le visage douloureux de la Vierge, presque symétrique de celui de Marie-Madeleine à droite. Les protagonistes sont projetés au premier plan de la composition, dans un cadrage resserré que dramatise l'éclairage latéral. Leurs têtes sont placées sur deux axes, horizontal et vertical, qui croisent deux grandes diagonales : au centre focal se trouve le visage du crucifié.
C'est par comparaison avec un dessin préparatoire du musée des Offices à Florence que Philip Pouncey, en 1948, a pu proposer l'attribution à Ferraù Fenzoni. Le dessin des Offices (inv. 12200 F.) était jusqu'alors classé sous le nom de Lodovico Carracci, tout comme la gravure en manière de lavis exécutée par Scacciati avant 1766 d'après cette feuille. Un exemplaire de l'estampe est conservé à Poitiers (inv. 890.37). On constate de légères variations entre l'oeuvre peinte et l'interprétation gravée, ce qui peut laisser penser que le tableau serait une variante d'une toile perdue.
Giuseppe Scavizzi a identifié en 1966 un autre dessin, de détail, préparatoire à la toile, conservé au musée de l'Université de Göttingen.
Ferraù Fenzoni exerça son métier de peintre pendant presque toute sa vie à Faenza, sa ville natale, hormis un séjour à Rome pendant la dernière décennie du XVIe siècle. Il participa alors aux nombreux chantiers décoratifs commandés par le pape Sixte V. La "Mise au tombeau" de Poitiers peut être datée de cette période, par rapprochement avec les fresques qu'il réalisa à Santa Maria Maggiore. Il en ressort des caractéristiques du maniérisme romain tardif - monumentalité des personnages, cadrage resserré, raffinement du coloris, construction focale de la composition - teintées d'influences nordiques à rapprocher notamment de Goltzius, présent à Rome à cette époque.
L'iconographie choisie par Fenzoni surimpose à celle, traditionnelle, de la Mise au tombeau, celle du Christ de pitié porté par des anges, adoptée après le Concile de Trente et issue de la Vision de la messe de saint Grégoire, image très populaire grâce à laquelle on gagnait des indulgences pour les défunts.
[oeuvre incluse dans le Répertoire des peintures italiennes... sur la base de l'INHA]