En gallo, langue de la Haute-Bretagne, le chouan désigne la chouette hulotte. C’est son cri qu’imitaient les contrebandiers bretons pour se reconnaitre, et de contrebande il est justement question tout au long de la vie de Jean Chouan.
Issu d’une famille de négociants Jean Cottereau (Saint-Berthevin, 1757 – Olivet, 1794) exerce avant la Révolution l’activité de faux-saunier. Il pratique, avec ses frères, le trafic du sel entre la Bretagne où la gabelle (l’impôt sur le sel) n’existe pas et d’autres provinces lourdement imposées. Quand la Révolution éclate il a déjà un lourd passé judiciaire, et en 1790 la suppression de la gabelle réduit à la misère de nombreuses familles bretonnes qui vivaient du commerce illégal du sel ; il n’en faut pas plus pour que les faux-sauniers se retournent contre la République.
L’instauration de la Constitution civile du clergé, puis le tirage au sort des conscrits mayennais en 1792 déclenchent l’insurrection. Jean Cottereau, qui était déjà à la tête d’une petite troupe depuis 1791, mêne une guerre d’embuscades contre les troupes républicaines. Il rejoint en 1793 l’armée de Vendée et participe aux batailles d’Entrammes et du Mans. Il est tué en 1794 lors d’une escarmouche.
Les frères Cottereau, hardis contrebandiers qui donnèrent leur nom à cette guerre, exerçaient leur périlleux métier de Laval à Fougères. Mais les insurrections de ces campagnes n’eurent rien de noble; aussi peut-on dire avec assurance que si la Vendée fit du brigandage une guerre, la Bretagne fit de la guerre un brigandage. La proscription des princes, la religion détruite ne furent pour les Chouans que des prétextes de pillage, et les événements de cette lutte intestine contractèrent quelque chose de la sauvage âpreté qu’ont les mœurs en ces contrées. Aussi, quand de vrais défenseurs de la monarchie vinrent recruter des soldats parmi ces populations ignorantes et belliqueuses, essayèrent-ils de donner, sous le drapeau blanc, quelque grandeur à ces entreprises qui avaient rendu la chouannerie odieuse. Leurs nobles efforts furent inutiles, les Chouans sont restés comme un mémorable exemple du danger de remuer les masses peu civilisées d’un pays. Le tableau de la première vallée offerte par la Bretagne aux yeux du voyageur, la peinture des hommes qui composaient le détachement des réquisitionnaires, la description du gars apparu sur le sommet de la Pèlerine, donnent en raccourci une fidèle image de la province et de ses habitants.
Honoré de Balzac, "Les chouans ou La Bretagne en 1799"