Manufacture Larroque Dorot

personne morale


Biographie

La première manufacture connue autour de Dax, est créée par arrêté du Conseil du Roi le 2 avril 1754. Le sieur Robert de Paradès, chevalier de l’Ordre militaire de Saint-Louis, Ingénieur en chef de Dax, est autorisé à « établir dans la Ville de Dax une manufacture de fayance et d’y construire à cet effet les fours et autres bâtiments nécessaires à l’exploitation… ».

 

La fabrication débute en 1756, l’équipe se compose d’un contremaître et quelques ouvriers. Cet essai de manufacture semble avoir été un échec. En effet, de 1754 à 1759, Louis d’Astorg dirigeant de la manufacture royale de Samadet, multiplie les procès contre ce concurrent trop dangereux. Cela ajouté à des problèmes financiers aigus, la faïencerie de Dax périclite. A l’heure actuelle, il est possible d'attribuer à cette entreprise un seul objet, conservé au musée de Borda, une gourde ayant la forme d’une calebasse, à décor de grand feu polychrome, et portant l’inscription « Coustout 1765 Dax », inventoriée sous le numéro 2004.95.12.1. Ceci permet de supposer que l’établissement de Paradès a duré au moins jusqu’à cette date de 1765. Il ne reste aucune trace de l’implantation exacte de ces ateliers.

 

A la même époque et à une demi lieue de là, le négociant Pierre Laborde souhaite établir une faïencerie à Oeyreluy, petit village au sud de Dax. Il y achète des métairies lui procurant l’argile nécessaire, fait des essais probants, et en 1762 s’adresse aux autorités pour obtenir le droit de s’établir officiellement. Le rapport envoyé à cette date est intéressant, car on devine en plus d’une concurrence qui s’annonce rude entre la faïencerie de Laborde et celle de Paradès, des difficultés à conquérir un marché local, pauvre. Laborde envisage dès le départ de profiter de la voie navigable de l’Adour, pour vendre sa production à Bayonne et au delà en Espagne. Dans ce rapport de 1762, Laborde précise que la faïencerie de Paradès « n’est pas encore en état » ; ceci est peut être un propos mensonger, mais cela doit être au moins le reflet de très lourdes difficultés rencontrées par Paradès dans son entreprise.

 

Laborde ouvre sa faïencerie officiellement en octobre 1762, s’entourant d’ouvriers qu’il connaît, grâce à sa profession l’amenant à voyager. Il débauche deux ouvriers de Paradès : un peintre François Darvillé né à Lille, et un tourneur en faïence Jérôme Niot ; il engage aussi Jacques Picar, faïencier originaire de Nevers. En 1771, Laborde meurt à l'âge de 45 ans ; la gestion de la faïencerie se fera alors par le biais de négociants de Bayonne, jusqu’aux environs de 1778.

 

Jacques Picar, un des ouvriers de Pierre Laborde, quitte Oeyreluy en 1766 pour s’établir à son compte, créer une faïencerie à Pontonx, village au nord de Dax. Il prend en location par bail de trois ans la maison Benquet, où Jean Niot (fils de Jérôme Niot) le rejoint comme tourneur, en 1771. Cet établissement a dû produire de 1766 à 1772. Il reste aujourd’hui chez un particulier une faïence signée Jacques Picar, sans que l’on puisse dire de quand elle date : de l’époque à laquelle Picar travaillait à Nevers, ou à Oeyreluy, Pontonx...

 

On a là trois créations de faïenceries qui durent peu et qui ne semblent pas avoir marqué vraiment le territoire, au vu des rares objets qui restent aujourd’hui.

 

A Samadet, la faïencerie périclite à partir des années 1770, à cause de l’implantation de manufactures de porcelaine dans le Limousin, l’augmentation du prix du plomb et de l’étain indispensable à la fabrication, l’importation de faïence fine anglaise. En 1789, Samadet compte 30 ouvriers, 19 en 1811, 6 en 1819. En 1823 il n’y a plus de peintre en faïence, et en 1831 la production s’arrête. En langage du XXIème siècle, on pourrait dire qu’il y a dès les années 1810 une « niche commerciale » à investir.

 

Une production de faïence va réapparaître à Saint-Vincent-de-Xaintes (petite commune limitrophe, annexée à Dax en 1861) avec plus de succès, grâce à des propriétaires successifs, de 1809 à 1847. Étant donné le nombre de faïence que l’on retrouve encore, on peut supposer qu’il s’agit de la production de cet atelier, répandue surtout à Dax et dans les régions limitrophes, la Chalosse et le Marensin. Cette faïencerie est parfaitement située dans la topographie de la commune de Saint-Vincent-de-Xaintes, « route de Dax à Oeyreluy », plus tard nommée « rue du Collège », et aujourd’hui appelée rue Gambetta ; l’établissement est situé comme étant « en face du couvent Sainte Claire », aujourd’hui couvent des Dominicaines, au 53 rue Gambetta.

 

Mathieu Lachat, négociant, et Charles Delage, faïencier, tout deux venant de Bayonne, obtiennent en 1810 l’autorisation d’y établir une manufacture (sise maison Pons), car « il n’y a dans le département qu’une seule faïencerie dans la commune de Samadet près Hagetmau, où il ne se fabrique pas la quantité de faïence nécessaire pour les besoins du pays », précise le bureau des arts et manufactures. Les deux hommes veulent produire de la faïence « terre de pipe » c’est à dire de la faïence fine, à la manière anglaise. L’équipe de cette première manufacture est composée de François Lamarque de Oeyreluy, de Pierre Vaumort, ouvrier faïencier d’Angoulême, et d’Hector Larroque, peintre faïencier de Roanne. Le Maire faisant son rapport au Préfet dit de la production qu’au « premier coup d’œil elle ressemble à celle de Samadet, mais il a trouvé ici une espèce de terre qui résiste au feu : ses caffetières, ses casserolles sont du meilleur usage, ce qui les met bien au dessus de la fayance du pays que l’eau chaude et le bouillon font féler (il faut comprendre ici Samadet) mais elle repousse en quelque sorte le vernis blanc qu’on y applique, en sorte qu’il n’a pas la netteté du vernis blanc des autres fayances, il est sombre et terne. » Le constat n’est pas très flatteur… Lachat décide de louer la fabrique à Delage pour un bail d’un an, bail qui sera renouvelé, mais repris en 1811 par le jeune ouvrier Larroque ; Delage avait 63 ans.

 

Peintre faïencier de qualité, Hector Larroque a travaillé à Roanne jusqu’en 1806, puis quelques temps à Lyon, et enfin trois ans chez le faïencier Desssaint, établi dans le quartier de Saint-Esprit à Bayonne ; là il épouse une couturière Gracieuse Berreterot, de qui il aura une fille Gracieuse Corinne (appelée Antoinette). Larroque est dénommé désormais « fabricant de faïence ». Il apporte des thèmes décoratifs roannais, et une certaine prospérité à l’entreprise : l’argument de « résiste au feu » sert toujours pour concurrencer la faïence de Samadet. L’équipe des ouvriers à l’époque d’Hector Larroque est composée de Charles Delage et son fils Bernard (qui resteront peu de temps), Jean Barbazin faïencier né à Bordeaux, François Lamarque et son fils Arnaud (arrivé vers 1814 - 1815), et Guillaume Vallet, faïencier lui aussi. Le 26 Février 1822 Hector Larroque meurt. Gracieuse reprend la manufacture seule en tant que « fabriquante de fayence », ce qui laisse supposer qu’elle a appris le métier avec son mari. L’inventaire après décès daté du 24 septembre 1823, montre qu’Hector et Gracieuse ont accumulé un joli patrimoine, dont une boutique, qu’ils louent rue des Carmes à Dax : ils y vendent leur production, ainsi que d’autres faïences - notamment de Strasbourg - de la verrerie et un grand nombre d’articles divers. Dans ce document, couleurs et décors des productions sont indiqués par blanc, jaune, fleur, et peint.

 

Quelque soit son chagrin, Gracieuse Berreterot, veuve Larroque, doit penser à un remariage rapide pour être aidée à la direction de la manufacture. L’année précédente, est arrivé un jeune ouvrier tourneur en faïence, Philibert Dorot, âgé de 20 ans, appartenant à une famille de faïenciers nivernais. Le mariage a lieu le 11 Novembre 1823 ; les deux époux sont fabricants en titre.

 

Avec Philibert Dorot, la faïencerie se porte bien. Le couple développe activement la production, n’hésitant pas à fabriquer des tuiles et des briques. Le 24 Juillet 1829, il achète la maison servant de magasin, au 207 rue des Carmes à Dax. Philibert est élu conseiller municipal de Saint-Vincent-de-Xaintes aux élections de 1831. Le maire Pascal Laffitte, général d’Empire et ami du général Lamarque, le choisit comme adjoint, poste qu’il occupera jusqu’en 1835, ce qui laisse supposer une sympathie entre les deux hommes, reposant certainement sur des convictions bonapartistes. Dorot sera conseiller municipal jusqu’en 1852. En 1832, Dorot accueille pour le former son neveu par alliance, François Lachasseigne qui vient de Nevers ; ce dernier peint et signe un brûle parfum en forme de tombeau de l’ empereur, destiné selon toute vraisemblance au général Laffitte. Acquis à une date inconnue, Dorot possède un livre intitulé « L’art de fabriquer la poterie façon anglaise, contenant les procédés et nouvelles découvertes, la fabrication du minium, celle d’une nouvelle substance pour la couverte, celle des couleurs vitrifiables, l’art d’imprimer sur faïence et porcelaine, et un vocabulaire de termes techniques et chimiques, avec gravures, à l’usage des fabricans et de ceux qui veulent établir des poteries » écrit par Oppenheimer, ancien manufacturier, revu pour la partie chimique par Bouillon-Lagrange, docteur en médecine, professeur de chimie etc. L’ouvrage a été publié à Paris en 1807. La faïence fine est un produit nouveau en France au début du XIXème siècle ; cet ouvrage sur les procédés de sa fabrication est certainement indispensable aux faïenciers.

 

La santé de Gracieuse se détériore : elle meurt le 17 Juin 1833. A nouveau, un inventaire est fait pour partager les biens entre Antoinette Larroque, fille d’Hector et Gracieuse, et le second époux, Philibert Dorot. Le stock de marchandises consiste en une grande quantité de platerie peinte en jaune, blanc, noir, à fleurs en bouquet, imprimée, imprimée en blanc ou noir ou jaune. Dans la boutique de la rue des Carmes on trouve de la porcelaine, des cristaux, de la verrerie commune, du verre à vitres, de la faïence de Lorraine, de la faïence commune, des assiettes « au cordon » ou peintes… (la faïence locale se heurtait à la forte concurrence des faïences dites étrangères comme Chantilly, Creil, Montereau et Strasbourg). Antoinette hérite de la boutique de la rue des Carmes, Philibert de la fabrique et de ses outils de travail.

 

Philibert Dorot se remarie en mai 1836 avec Catherine Degos, originaire de Poyanne, de qui il aura cinq enfants. Les affaires prospèrent puisqu’ils achètent la maison Mora le 11 Juin 1839, mitoyenne à la fabrique, et le 20 mars 1841 la maison Pons où est sise la fabrique. Il semble qu’inexorablement la manufacture s’agrandisse, et que la faïencerie devienne tuilerie. Aucune date ne marque vraiment la fin de la faïencerie Dorot. On peut supposer qu’elle se situe entre 1847, date de la mort de la mère de Philibert, Marie-Nicolas, dernière représentante d’une longue lignée de faïenciers venant de Nevers, et 1855, date de la mort de l’ouvrier faïencier Arnaud Lamarque, présent dès l’époque d’Hector Larroque, et qualifié de chaufournier dans son acte de décès. De plus dans les années 1850, la faïence stannifère n’étant plus à la mode, c’est certainement à ce moment là que Dorot abandonne cette production pour se consacrer à la tuilerie.

 

La mémoire de la famille Dorot dit qu’à la fin de sa vie Philibert étant aveugle, il détruit tout ce qui concerne la faïence et la faïencerie. En 1868, Dorot a 66 ans, vend sa maison, et dans l’acte il est bien spécifié « autrefois fabricant de faïence, aujourd’hui sans profession, propriétaire, demeurant à Dax ». La nouvelle propriétaire, Mademoiselle de Neurisse, fait raser la maison Pons et les bâtiments de la faïencerie, pour y construire une belle maison bourgeoise qui existe toujours au 53 rue Gambetta. Le 10 décembre 1883, Philibert Dorot meurt à l'âge de 81 ans.

 


Identification

Sexe, genre
féminin
École ou nationalité
France
Lieu de naissance, de création
Saint-Vincent-de-Xaintes (Dax, quart.)
Date de naissance, de création
1810
Lieu de décès, de disparition
Saint-Vincent-de-Xaintes (Dax, quart.)
Date de décès, de disparition
1866

Coordonnées

Adresse
Manufacture Larroque Dorot, rue Gambetta, Saint Vincent de Xaintes

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