Le cadet des frères Lesson, Pierre-Adolphe, est beaucoup moins connu que son aîné, dont il a suivi les traces.
Après avoir été apprenti ouvrier charpentier de 1815 à 1821, il est admis à l'École de Médecine Navale le 16 mai 1821. Elève chirurgien entretenu d'avril 1823 à mai 1824, il devient chirurgien de 3e classe le 16 mai 1824 et, à la différence de son frère, fera toute sa carrière dans ce corps. Il soutiendra sa thèse de médecine seulement en 1837 devant la faculté de Montpellier. Il termine sa carrière en janvier 1854 comme 2eme chirurgien en chef, grade auquel il avait été nommé en décembre 1846. A la différence de son frère il passe une grande partie de sa vie professionnelle à naviguer ou en poste dans les nouveaux protectorats du Pacifique. Très affecté physiquement par toutes ses campagnes, il vit ensuite retiré, occupé principalement à ses recherches et meurt célibataire en 1888. Il lègue ses collections à la ville de Rochefort, à la Société de Géographie et à l'Ecole de Médecine Navale.
Ses campagnes fort nombreuses ne l'ont pas conduit qu'en Océanie. Après un voyage sur la gabarre La Durance qui l'emmène à Terre Neuve d'avril 1825 à janvier 1826, il connaît son premier grand voyage dans le Pacifique d'avril 1826 à mars 1829 comme pharmacien et naturaliste à bord de L'Astrolabe commandé par Jules Dumont d'Urville. Il obtient cette nomination par ce que son frère prévu ne s'entend pas avec le capitaine, antipathie que partagera très vite et durablement Pierre-Adolphe.
De juillet 1834 à août 1837, il navigue sur le brick Le Hussard, en 1834 le long des côtes espagnoles, en 1835 à Terre-Neuve et Saint-Pierre-et-Miquelon, de 1836 à 1837 aux Antilles et dans le golfe du Mexique.
De novembre 1839 à avril 1842 il entreprend sur le brick Le Pylade son deuxième voyage dans le Pacifique. Il visite en avril 1840 Mangareva, récemment évangélisée par les Picpuciens, puis en mai les Marquises, en juin Hawaï et en juillet Tahiti, faisant de nombreuses escales à l'allée et au retour en Amérique du Sud.
Enfin, il fait un très long séjour dans le Pacifique comme chef du Service de Santé des Etablissements Français de l'Océanie, d'abord aux Marquises d'octobre 1843 à juin 1844 et ensuite à Tahiti de juillet 1844 à novembre 1849. En 1844 il est nommé juge du Conseil d'Appel de Papeete et, en 1847, membre du Conseil du Gouvernement de Tahiti.
Ses voyages lui ont évidemment permis un travail " de terrain " tout à fait exceptionnel, qu'il complète une fois revenu définitivement en France en 1850, par une étude approfondie de la littérature concernant cette partie du monde.
À la différence de son frère, il publie peu, ce qui explique en partie son absence de notoriété. Il participe à la publication de l'Atlas du voyage de l'Astrolabe et notamment la Botanique dont il avait été chargé. Le Voyage aux îles Mangareva est publié par son frère à Rochefort en 1844, alors qu'il est, lui, en Océanie. Ensuite il ne publie que de courts ouvrages et articles, Vanikoro et ses habitants en 1876, Les Races noires de Timor, dans la Revue d'Anthropologie en 1877, une Notice biographique sur Quiros et une Légende géographique des îles Marquises dans le Bulletin de la Société de géographie de 1883-84, et dans la livraison suivante du même bulletin un article sur Tukopia, île qu'il avait visité quelques heures le 10 février 1828.
Enfin quelques années avant sa mort en 1883-1884 il voit éditer son grand oeuvre, Les Polynésiens, leur origine, leurs migrations, leur langage, ouvrage rédigé d'après le manuscrit de l'auteur par Ludovic Martinet, membre de la société d'Anthropologie à Paris chez Ernest Leroux, en 4 volumes.
Malheureusement la réputation de cet ouvrage a grandement souffert d'une thèse assez fantaisiste sur le peuplement du Pacifique : les Maoris sont autochtones à la Nouvelle-Zélande et ont peuplé le reste de la Polynésie pour essaimer ensuite dans d'autres parties du monde.
La réputation scientifique du vieil homme est définitivement entachée et l'on a très vite oublié la valeur des autres observations qu'il a faites dans cet énorme somme, sans parler du reste de ses recherches demeuré à l'état manuscrit et rassemblant plusieurs milliers de pages portant sur des études médicales, Extraits divers, relatifs à la médecine nautique &, Fièvres à Vanikoro, Iles Marquises Quelques mots sur les maladies des indigènes, Lèpre (îles Tonga), Notes chirurgicales sur Tahiti, des compilations Macédoine de renseignements sur l'Océanie, Mythologie Polynésienne , des récits de voyage, Voyage de découverte de l'Astrolabe, Pèlerinage du Pylade aux Iles Gambier, Marquises, Sandwich et O'Taïti 1839-1842, Séjour en Océanie 1843-1850, des observations ethnologiques Iles Marquises documents divers, Renseignements sur les îles Samoa [ ] recueillis en 1844 par le Dr Lesson chef des établissements français de l'Océanie et enfin des ouvrages de linguistique dont quelques précieux dictionnaires Dictionnaire Nu-hivien, Dictionnaire Tahitien-Français 1866.
Demeurés pour l'essentiel méconnus, les travaux de Pierre-Adolphe Lesson, méritent d'être exploités. Ils sont le fait d'un esprit " curieux " dont le domaine d'investigation déborde largement son terrain d'enquête initiale de la flore et des pathologies humaines, pour appréhender de la façon la plus exhaustive possible les populations rencontrées, même brièvement. Dans un domaine différent il est un aussi grand savant que son aîné.
En parallèle à ses recherches sur les peuples du Pacifique et à la différence de son frère il a constitué un important ensemble d'objets ethnographiques. La dénomination autrefois utilisée " collection des frères Lesson " est donc impropre, il s'agit de la collecte du seul cadet. Même amputé d'une partie de ses pièces, cet ensemble, est un des plus anciens en France et quasiment le seul documenté, à ce titre il est exceptionnel. (Cl. Stefani).