Devant une baie ouverte sur l'océan où vogue un trois-mâts, le prélat, en camail et portant une croix en pendentif, de profil tourné vers la gauche rédige un courrier avec une plume d'oie.
Bartolomé de Las Casas (Séville, 1474 -Madrid, 1566), est un prêtre dominicain espagnol, célèbre pour avoir dénoncé les pratiques des colons espagnols et avoir défendu les droits des Indigènes en Amérique. Il a d'abord rédigé un plan de réformes intitulé le " Mémoire des quatorze remèdes " où il prône la fin des encomiendas, la réglementation du travail, la fin des travaux forcés, l'envoi de fermiers espagnols avec leurs familles pour exploiter en commun des terres avec les Indigènes, la destitution des administrateurs en place, de combiner évangélisation et colonisation et de prendre des Noirs comme esclaves pour compenser la mortalité des indigènes.
En 1516, nommé " procureur et protecteur universel de tous les Indiens des Indes ", il est mis à la tête d'une commission d'enquête mais est en butte aux colons et qui l'accusent de ne pas voir l'intérêt économique. De 1517 à 1519 il est chargé de " remédier aux maux des Indiens ". Il devient dominicain en 1522.
Il s'enferme alors au monastère et rédige " De Unico Modo " qui signifie " De l'unique façon d'attirer tout le genre humain à la véritable religion " qu'il enrichit en 1537 de la bulle du pape Paul III " Sublimis Deus " qui proclame l'humanité des Indiens et leur aptitude à recevoir la foi chrétienne.
Vers 1540, il écrit la " Brevissima " ou " très brève relation de la destruction des Indes " où il explique que les indiens sont des brebis dont l'Église et l'Empereur sont les pâtres et les conquistadores des loups. Il y présente les cruautés dont sont victimes les indigènes et les structures qui les exploitent qui amène Charles Quint à réformer le Conseil des Indes et à proclamer la liberté naturelle des Indiens et obliger leur remise en liberté.
La nouvelle de la parution de ces lois provoque au Nouveau Monde des révoltes ce qui amène en 1546, leur abrogation.
Las Casas reçoit, au sud du Mexique, l' évêché du Chiapas dont la capitale est Ciudad Real. Il accepte ce poste pour l'application de " ses " lois nouvelles.
Mais l'hostilité dont il est victime l'oblige à retourner en Espagne en 1547 après avoir appris le revirement de l'Empereur.
Il s'installe au couvent dominicain de Valladolid. Vers 1547, suite à la célèbre controverse avec Sepulveda au sujet de la légitimité des guerres de conquête, il présente ses "Trente propositions très juridiques". traité de droit chrétien, où il dit que les guerres au nouveau monde ont été injustes et qu'il faut libérer les esclaves. Sépulveda, chanoine de Cordoue, avocat des conquistadores, estime lui, que la guerre est juste lorsqu'elle est ordonnée par l'autorité légitime, faite pour une juste cause et inspirée par une intention pure. Les indigènes sont des idolâtres qui commettent les pires crimes, ils sont de nature inférieure et donc appelés à être soumis à des hommes plus évolués, les Espagnols. Las Casas répond en déclarant que la guerre est injuste à partir du moment où elle est l'instrument d'oppression.
En 1553 - 1559, il se lance dans la rédaction de " l'histoire des Indes " et " l'histoire apologétique ". Il veut y rétablir la vérité sur la conquête des Indes. Son ouvrage va de la découverte en 1492 jusqu'à sa conversion dominicaine en 1522. Il interdit sa publication avant 1600. Elle restera en fait "interdite" de publication jusqu'au XIXe siècle. Mais le manuscrit remis en 1571 au Conseil des Indes servit au Grand Chroniqueur Antonio de Herrera, dans le but d'écrire l'Histoire des Indes. Herrera a utilisé et plagié le manuscrit de Las Casas pour écrire une grande partie son ouvrage. L'histoire des Indes a été publiée pour la première fois, en castillan, à Madrid, en 1875-1876 et pour la première fois en français en 2002, à Paris.
Depuis 1560 Las Casas a quitté Valladolid pour suivre la cour à Madrid. Il s'installe au couvent de Notre-Dame d'Atocha où il rédige les Douze doutes, mais aussi un testament, le 17 mars 1564 où il résume son combat de cinquante ans et reprend les grands thèmes de sa lutte.
Jusqu'à sa mort en 1566, à 92 ans, Las Casas apparaît comme le médiateur privilégié de tous ceux qui, aux Indes, cherchent à modifier le statut de l'Indien et à arrêter l'extermination.