Ce portrait du peintre Léon Perrault, exécuté au fusain avec des rehauts de craie blanche, est l'oeuvre du gendre du modèle, Edouard Cabane, et fut réalisé l'année même de la mort de Léon Perrault. Resté dans la famille jusqu'en 2008, il a été offert à la Ville de Poitiers par le petit-fils de Cabane et arrière-petit-fils du modèle à l'occasion du centenaire de la mort de Léon Perrault.
Deux oeuvres d'Edouard Cabane sont déjà présentes dans les collections de Poitiers, un portrait de ses parents, entré au musée en 1928, et un portrait de son beau-frère Emile Perrault-Harry, donné au musée en 1988. Ce dernier peut être rapproché avec intérêt de l'oeuvre proposée en don en 2008 : les modèles sont parents, Léon étant le père d'Emile, et ont été exécutés à deux ans d'intervalle, le premier en 1908, année de la mort de Léon, le second en 1910.
On peut supposer que Cabane s'est inspiré d'une photographie de son beau-père pour exécuter son portrait, l'année de sa disparition. En effet, le modèle a l'air relativement jeune, âgé d'une cinquantaine d'années, alors qu'il avait 76 ans en 1908. Il est probable que son gendre a voulu l'immortaliser au moment de son décès, en utilisant une photographie. On peut d'ailleurs faire la même supposition quant au portrait des parents de Cabane, de toute évidence fortement inspiré d'une photographie.
Bien que mal documentée, l'oeuvre de Cabane revêt un intérêt certain pour les collections de Poitiers, par son appartenance à une famille d'artistes bien connue à Poitiers, et par son honorable carrière : élève de William Bouguereau, il fit ses débuts au Salon en 1876, et devint membre de la Société des Artistes Français en 1901. Ce portrait de son beau-père montre l'aisance de sa main dans l'élaboration d'un visage sensible, sans affectation, empreint de sérénité et d'une certaine gravité, et révèle l'attachement du peintre au rendu de la ressemblance du modèle, d'une facture toute classique.
L'oeuvre offerte par M. Nicolle entre par ailleurs en résonance avec l'autoportrait de Léon Perrault acquis par la Société des Amis des Musées de Poitiers en 2004 : le modèle a gardé les mêmes traits, bien que le fusain le montre dans la force de l'âge, quand son autoportrait appartient à sa jeunesse.
Les liens entre les deux hommes étaient artistiques autant que familiaux : l'un et l'autre s'inscrivaient dans le courant classique d'une formation académique, largement influencée par l'oeuvre de William Bouguereau, leur maître et ami, ce qui explique que le gendre ait pu copier en 1878, pour la cathédrale de La Rochelle, le Chemin de Croix exécuté par son beau-père vers 1862-1863 et dont neuf toiles originales ont été acquises par les musées de Poitiers en 1984.
Sont aussi présentes dans les collections de Poitiers des oeuvres des deux fils de Léon Perrault : Henry (1867-1932), peintre comme son père, revenu en 1920 à Poitiers où il ouvrit un cours de dessin, et devint conservateur du musée municipal de 1928 à sa mort ; Emile (1878-1938), sculpteur, qui accola au patronyme de son père celui de son épouse, la romancière Myriam Harry.