Le jeune Léon Lehmann, fraîchement débarqué de son Alsace natale, s'installe à Paris en 1891. Il suit l'enseignement de Gustave Moreau à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, où il a pour condisciples les futurs Fauves : Marquet, Rouault, Matisse, Manguin...
Il reste lié sa vie durant avec Georges Rouault, dont il partage l'atelier de 1900 à 1914. À la différence de tant de professeurs, Gustave Moreau cherche moins à imposer sa manière de faire qu'à permettre à ses jeunes élèves de se découvrir et d'affirmer leur personnalité. Cette qualité pédagogique irremplaçable se double d'un goût pour les couleurs précieuses peu ou prou. En témoigne la Nature morte au bouquet dans un pot blanc (inv. 953.11.35), vers 1910, peinte d'une touche fluide et peu empâtée, soucieuse d'accords riches et sourds suggérant le point de lumière d'un espace confiné. Dans la même veine, la Nature morte au bouquet dans un vase bleu (inv. 953.11.34), réalisée vers 1940, joue à nouveau des accords raffinés faits de bleus, de violine et d'ocre doré, dans une matière grumeleuse et coruscante. La permanence d'oeuvres de ce genre témoigne d'une constance vraie, les différences n'apparaissant que dans le traitement de la pâte [...].
Dans les toutes dernières années de sa vie, son style atteint une liberté difficilement et lentement conquise, d'une spontanéité et d'une justesse de tons étonnantes. Ainsi de ce paysage, Le dôme des Invalides vu de l'atelier du peintre, peint depuis une fenêtre de son appartement parisien. Il use à merveille de la teinte du support de carton, en ton local, sur lequel la touche fluide et hésitante évoque Bonnard. Mais les rapports de tons rompus, aux accents discrets et riches à la fois, sont une marque personnelle.
(Bourel Y Bozier S 2009)