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Tête-trophée Mundurucu
- H.2844La tête fumée aux longs cheveux noirs derrière le crâne présente une petite pastille de cheveux sur la partie antérieure de ce même crâne. Petites guirlandes de plumes d’ara et de toucan autour des oreilles placées au cours d’une partie du rituel de traitement du trophée intitulée « la décoration des oreilles ». Des dents de tapir sont incrustés horizontalement dans les orbites des yeux recouverts de cire d’abeille.
. La tête étrangère a été mundurucu-isé c’est à dire parée des ornements et caractéristiques faciales typiquement mundurucu : le tatouage facial et la coiffure post-mortem composée d’une pastille de cheveux isolée au milieu de la partie antérieure du crâne en sont les signes.
Le tatouage facial est composé de lignes géométriques noires : la première joint le nez aux oreilles, la deuxième cercle la bouche, la troisième va de la bouche aux oreilles et enfin les deux dernières partent de la lèvre supérieur pour rejoindre la mâchoire inférieure.
9, place Gambetta (cœur de ville)
17310 Saint-Pierre-d’Oléron
Ouvert - dimanche : 14h - 18h
05 46 75 05 16
9, place Gambetta (cœur de ville)
17310 Saint-Pierre-d’Oléron
Ouvert - dimanche : 14h - 18h
05 46 75 05 16
9, place Gambetta (cœur de ville)
17310 Saint-Pierre-d’Oléron
Ouvert - dimanche : 14h - 18h
05 46 75 05 16
Tête-trophée Mundurucu
Rio Tapajos,
Etat de Pará et d’Amazonas.
"La chasse aux têtes n’est intelligible qu’en regard de la guerre indigène et de ses enjeux réels et symboliques (mais non moins réels pour les Mundurucu eux-mêmes). Elle renvoie à un ensemble complexe de pratiques pan-amazoniennes (cannibalisme, prise de trophées, capture-incorporation de femmes et d’enfants, chamanisme d’agression…) qui font toutes la part belle à la prédation en tant que quête de constituants étrangers. En effet, en Amazonie, l’altérité est constituante c’est à dire que sans appropriation d’une partie de l’Autre, d’autres sociétés voisines, les sociétés amazoniennes se pensent comme étant incomplètes.Contrairement à l’image occidentale de sauvagerie aveugle et systématique qui est associée à ces pratiques, la chasse aux têtes était extrêmement codifiée et ritualisée. Elle ne portait que sur des groupes ennemis voisins non-mundurucu (les Parintintin et les Apiaca surtout mais aussi les Arara et les Apiaca) et jamais sur des proches ou sur des alliés. La victime devait cependant appartenir à un groupe tout à la fois différent (non-mundurucu) et culturellement ou linguistiquement proche pour que l’incorporation, la prédation soit réalisable. Avec la prise de captifs (femmes et jeunes enfants des deux sexes), la chasse aux têtes constituait l’objectif de la guerre mundurucu.
Le cycle rituel autour de la tête-trophée durait 3 années. Pendant le retour de l’expédition, la tête était bouillie, séchée et enduite d’huile d’urucu. Après retour de l’expédition, les oreilles étaient décorées, œuvre collective de plusieurs clans, chacun d’eux apportant des plumes des espèces dont il est propriétaire. Cette fabrication du trophée nécessitait de placer des plumes sur et autour des oreilles selon la technique dite en rosette. Le meurtrier jouait d’ailleurs un rôle essentiel dans cette élaboration. A cette étape, la tête est paradoxalement considérée comme vivante dans la mesure où l’âme du défunt subsiste (il est dit qu’elle frémit lorsque le vent frémit dans la chevelure). Si nous disposons de peu de renseignements sur la représentation mundurucu de la personne et de l’incorporation de l’âme du défunt par le meurtrier, il est possible d’imaginer qu’une lutte entre les âmes des deux protagonistes exigeait un certain nombre de précautions de la part du meurtrier (fermeture de la bouche et des yeux par exemple ?). En tout cas, il semble que des chants particuliers du défunt étaient acquis par son meurtrier : les chants sont autant de savoirs sur des éléments ou personnes et autant de possibilités d’agir sur eux (performativité du langage).
La tête est ensuite soumise à cuisson lente jusqu’à transformation en crâne sec par cette cuisson. Les anciens preneurs de têtes qui constituaient une sorte de société guerrière au statut politique important surveillaient la procédure et contrôlaient donc de facto l’accès à ce statut politiques des nouveaux meurtriers.
Ensuite, suivaient un certain nombre de danses dans lesquelles étaient mises en scène les oppositions de la société (entre moitiés, sexes, groupes d’âge, captifs et ravisseurs…). Aussi, les dents étaient-elles arrachées pour en faire des ceintures et colliers portés par les jeunes guerriers et les veuves et conférant des pouvoirs divers.
Lors de la deuxième année, la tête était écorchée, les ornements retirés et le crâne était suspendu dans la maison des hommes. L’efficacité du trophée n’était pas éternelle : on peut parler de mort du trophée (ici la troisième année), période marquant alors pour le meurtrier la fin des restrictions alimentaires et sexuelles caractéristiques des rites d’homicide amazoniens. Cette vie limitée explique pourquoi les voyageurs et collectionneurs ont pu se procurer facilement ces têtes habituellement jetées au fleuve.
La tête conférait des pouvoirs cynégétiques à son possesseur : portant le titre de Dajeboishi (mère du pécari), nom de l’esprit-maître de cette espèce, le meurtrier était réputé attirer le gibier.
Acquisition-incorporation des pouvoirs du défunt par les chants notamment.
A l’instar de la prise de captifs, la prise de trophée met aussi à jour une idée et quête pan-amazonienne : la reproduction sociale du groupe entre hommes sans recours aux femmes du groupe.
La chasse aux têtes mundurucu évoquée assez tôt a cessé dans les années 1920 environ." (Mickaël Brohan, Université Paris-Ouest Nanterre)
Rio Tapajos,
Etat de Pará et d’Amazonas.