Cette œuvre est supposée représenter Circé, magicienne puissante, évoquée par Homère dans L'Odyssée. Elle aurait longtemps retenu Ulysse auprès d'elle, avant que celui-là ne rejoigne Ithaque. Experte en poisons et en drogues et grande séductrice, celle qui était considérée dans l’Antiquité comme une déesse est figurée ici sous les traits d’une belle jeune femme en train de préparer un mélange tandis que derrière elle se tient une femme âgée. Son ventre semble arrondi ; or, la mythologie prête à Circé un très grand nombre de grossesses. Toutefois, cette œuvre pourrait également être une représentation du mythe de Vertumne et Pomone, le dieu des jardins et des vergers s’étant notamment transformé en vieille femme pour séduire la nymphe Pomone dont il était épris.

Qu’il ait choisi Circé ou la belle Pomone comme sujet, le peintre s’inscrit dans une tradition qui fait des thèmes mythologiques le prétexte à la valorisation de corps féminins dénudés. En effet, si le visage de la jeune femme se détourne du spectateur, ce qui tempère le caractère érotique de l’œuvre, plusieurs éléments contribuent néanmoins à valoriser sa poitrine dévoilée. La femme âgée, au second plan et dans l’ombre, attire ainsi par son geste et son regard l’attention sur les seins nus, représentés quasiment de face et dans la ligne médiane du tableau. Un effet de clair-obscur, produisant un fort contraste, donne du volume au personnage principal puisque ses bijoux -composés de perles et de pierres précieuses- et sa blanche poitrine -soulignée par la tenue- apparaissent dans la lumière et se détachent sur un fond sombre. Une césure s’opère dès lors entre le personnage de la jeune femme et celui du personnage dans l’ombre. La composition du tableau se construit ainsi sur une double opposition : ombre/lumière, jeunesse/vieillesse. Cette peinture est emblématique d’un courant pictural appelé le luminisme qui découle du style initié par le Caravage (1571-1610).

Un autre exemplaire de ce tableau, de dimensions quasiment identiques, est conservé dans une collection privée. Les seules différences sont en fait le bijou que la jeune femme arbore sur le lien de fermeture de la cape et le textile bleu enroulé autour de ses cheveux. Néanmoins, cette dernière différence n’était peut-être pas d’origine, le tableau conservé au musée Labenche présentant des traces de repeints, en particulier autour de la tête du personnage principal.  

Récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette œuvre (numéro d’inventaire provisoire : MNR811) a été attribuée au musée du Louvre en 1951 puis déposée au Musée de Brive par arrêté du Ministère de l’Éducation Nationale le 03 septembre 1957. Sa provenance n’est pas établie. En cas de spoliation, elle sera restituée à ses légitimes propriétaires.

Voici son parcours, référencé sur le site Rose-Valland : « selon la fiche du Central Collecting Point de Munich, le tableau viendrait de France (indication Brüschwiler) ; il est vendu le 12 mai 1943 par Brüschwiler, de Munich, 3 200 RM [à l'administration du] château de Posen ; lors de la débâcle allemande, le tableau est mis à l'abri à Aussee ; il y est enregistré sous le numéro 7978 ; il est transporté au Central Collecting Point de Munich le 29 octobre 1945 ; il y est enregistré sous le numéro 13158 ; le tableau est rapatrié vers la France par le trente-sixième convoi en provenance de Munich le 3 juin 1949 à destination du siège de la commission de récupération artistique ; il est retenu lors de la sixième commission de choix des œuvres de la récupération artistique le 29 mai 1951 ; il est attribué au musée du Louvre (département des Peintures) par l'Office des Biens et Intérêts Privés en 1951 ; ; il est déposé au musée Labenche de Brive-la-Gaillarde en 1957 (D 57-1-1) ».

Lien vers la notice de l’œuvre sur le site Rose Valland : https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/mnr/MNR00811?base=%5B%22R%C3%A9cup%C3%A9ration%20artistique%20%28MNR%20Rose-Valland%29%22%5D&image=%5B%22oui%22%5D&mainSearch=%22cerrini%22&last_view=%22mosaic%22&idQuery=%22b556c0-b3fc-b3e4-f665-a42103c2816%22